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Fréquences cardiaques et Triathlon

Les fréquences cardiaques sont dans une certaine limite le témoin de l’intensité de l’effort. Comment les utiliser dans chacune des disciplines du triathlon pour optimiser son entraînement et progresser ?

Les mesures de la fréquence cardiaque (FC) sont populaires depuis l’invasion du marché de l’outdoor par les cardio-fréquencemètres. Si leur utilisation est simpliste, leur programmation et l’interprétation des données demandent quelques connaissances en physiologie, qui plus est dans le domaine du triple effort. Y a-t-il une relation entre la fréquence cardiaque et la puissance musculaire ou la vitesse de déplacement ? Les FC maximales atteintes sont-elles les mêmes dans les 3 disciplines ? Comment déterminer la fréquence cardiaque de repos et la fréquence cardiaque maximale ? Comment utiliser la fréquence cardiaque à l’entraînement ?

Voici les réponses à ces questions fondamentales.

Intéressons-nous tout d’abord aux données physiologiques de base que sont la fréquence cardiaque de repos et la fréquence cardiaque maximale.

La Fréquence Cardiaque de Repos est le nombre minimum de battements atteint par le muscle cardiaque en 1 minute.

La valeur de la FC Repos dépend de nombreux paramètres :

  • L’âge (la FC repos diminue avec l’âge).
  • L’activité physique (la FC Repos est inversement proportionnelle à l’activité physique du sujet)
  • Le stress (la libération d’adrénaline augmente la FC et peut tripler la valeur basale, de 40 à 120 par exemple – Chatard 2001))
  • Le sexe (la FC Repos est plus élevée chez les femmes)
  • L’état de forme (un sujet fatigué à une FC Repos plus élevée)
  • Des facteurs génétiques

D’autres facteurs comme l’altitude, la pression et l’humidité influent sur la FC Repos et sont à prendre en compte lors de stages par exemple.

Chez des sujets entraînés la FC Repos se situe autour des 60 battements par minute, mais peut descendre jusqu’à 30, hors pathologie ! En triathlon, les coureurs d’élite ont un pouls au repos autour des 40. Pour des sujets sédentaires, la FC Repos est en moyenne de 80 et peut dépasser les 100 puls/mn.

Comment et quand la calculer ?

La FC de repos se calcule idéalement le matin au réveil (avant le lever !) à l’aide d’un cardiofréquencemètre. Vous pouvez aussi mettre le cardio la veille et passer la nuit avec. Vous serez surpris des variations nocturnes mais vous pourrez aussi aisément visualiser un minima.

Il existe donc de fortes différences entre individus concernant ce paramètre, mais également des différences intra individuelles (pour un même individu) dont il faut tenir compte dans le paramétrage des séances.

Si la FC Repos est corrélée à l’entraînement aérobie (et les 3 disciplines du triathlon sont à très forte dominante aérobie), ce n’est pas le cas de la Fréquence Cardiaque Maximale dont les variations sont plus capricieuses.

La Fréquence Cardiaque Maximale est le nombre maximum de battements atteint par le muscle cardiaque en 1 minute. Elle est peu affectée par l’entraînement mais elle diminue progressivement avec l’âge, ce qui est clairement illustré par la formule du physiologiste Suédois Astrand :

Chez les femmes : FC Max = 226 – âge        

Chez les hommes : FC Max = 220 – âge

Tous ces calculs restent théoriques et sont valables à l’échelle d’une population. Vous ne devez pas vous y fier pour évaluer votre FC Max afin de déterminer des zones cibles, sauf si une épreuve d’effort maximal vous est déconseillée.

Point Physiologie
Le paradoxe de la FC max : la FC max diminue avec l’entraînement (par rapport à un sujet non entraîné) en raison de l’action frénatrice du système nerveux parasympathique stimulé par l’activité aérobie. Pourtant, cette même FC max peut augmenter au début de l’entraînement car l’augmentation de la mobilisation des muscles périphériques permet une plus grande sollicitation du muscle cardiaque, donc une augmentation de la FC max de quelques battements. De plus, les sujets âgés qui conservent une FC max élevée sont statistiquement plus performants que les autres, en raison d’une sécrétion hormonale plus importante en catécholamines (adrénaline, dopamine, noradrénaline) et d’une sensibilité accrue à ces mêmes hormones stimulantes.

Une fréquence maximale pour chaque spécialité

A l’entraînement, comme en compétition, vous avez pu vous rendre compte que ne travaillez pas aux mêmes fréquences dans les 3 disciplines alors que vos intensités d’efforts semblent être les mêmes. Etonnant, non ? Et pourtant encore une fois, la physiologie propose des réponses claires et adaptées. Dans l’eau, vous êtes en position allongée, ce qui favorise le retour veineux, donc le remplissage cardiaque diastolique entraînant une baisse réflexe de la fréquence cardiaque, de 5 à 10 puls/mn, par rapport à la position debout. Par conséquent, si vous travaillez aux FC, il faudra en établir une pour chaque discipline. De même, on remarque une fréquence cardiaque maximale moyenne plus élevée de 4 à 5 pulsations/mn en course à pied par rapport au vélo pour les spécialistes de course. L’inverse est vrai pour les cyclistes d’origine et la différence peut atteindre les 15 pulsations. Ce constat de terrain qui lie le niveau de FC max à l’expertise du triathlète est important car il peut permettre de mesurer les progrès dans la ou les disciplines nouvelles. Reste à savoir comment évaluer cette fréquence cardiaque maximale. Premier point : l’obligation de l’évaluer sur le terrain : en piscine, sur le vélo, en course. En effet, les tests de laboratoire délivrent rarement une FC max satisfaisante en raison de la diversité des protocoles et de la situation artificielle, et d’autant plus si vous ne le réalisez pas sur l’ergomètre adéquat. De plus, les tests d’efforts servent souvent de support à un simple mais indispensable examen cardiaque. De ce fait, il est fait sur vélo et n’est jamais poussé au maximum, sauf demande expresse de l’athlète confirmé ou de son entraîneur. Beaucoup de protocoles estiment la FCmax atteinte lorsqu’on s’approche de FC max – 10 puls de la FC max théorique définie par Astrand. Or, 10% des sportifs ne rentrent pas dans ces statistiques et mon activité d’entraîneur m’a amené à rencontrer des sportifs 50 à 60 ans avec des FC max de 220 à 240, sans aucune pathologie. Pour eux, seul le terrain apporte des données fiables, sans obligatoirement passer par un test maximal mais en inférant à partir de la proportionnalité relative entre la FC et l’intensité de l’effort.

Pour évaluer sa FC max disciplinaire avec assez de précision, il faut également tenir compte de la cinétique de la consommation d’oxygène (VO2) due à l’inertie des mécanismes aérobies, car il faut un certain temps pour que l’oxygène capté dans l’air ambiant soit transporté des poumons jusqu’aux mitochondries des cellules musculaires, 1minute pour les experts à 2-3mn pour les plus lents. (voir fig 1)

Cela étant dit, on réalise sur le terrain un test rectangulaire (vitesse régulière et maximale sur un temps donné), La FC max doit être atteinte entre la 3ème et la 4ème minute du test avec échauffement préalable. En course et en vélo, le test en côte donne de bons résultats surtout s’il se termine à intensité maximale jusqu’à la rupture. L’enregistrement du test au cardiofréquencemètre est indispensable pour pouvoir l’analyser ensuite. En piscine, on met le cardio (voir plus loin) et on réalise un 200m à vitesse maximale avec la dernière ligne (25 ou 50m) au maximum de ses possibilités. Puis on analyse les courbes produites.

Figure 1 : Test ½ Cooper (6mn à vitesse régulière et maximale) sur piste pour un athlète expert. On remarque la FC max atteinte après 1mn30 d’effort. Signalons que ce même athlète a arrêté son test d’effort en laboratoire à 184 pulsations alors qu’il atteint ici 192.

Une FC Repos pour 3 FC Max

Pour résumer, le triathlète à une FC de repos et 3 FC max potentiellement différentes. L’intérêt de les avoir définies réside dans la quantification de l’intensité de l’entraînement (fractionné ou non) et de la compétition. FC max correspond à 100% de la consommation maximale d’oxygène, et FC repos à 0%. Nous avons dit en introduction que les FC témoignaient de l’intensité de l’effort. Cela est vrai entre 50 et 90% du VO2max. Au delà, le lien avec les FC est complexe car il peut y avoir augmentation de l’intensité de l’effort sans augmentation des FC. Toutefois, pour garder un lien étroit entre fréquences cardiaques et consommation d’oxygène (donc intensité de l’effort), on doit tenir compte de la fréquence cardiaque de repos. La différence FC max -FC repos définit la FC de Réserve qui constitue le réservoir de battements cardiaques disponibles pour effectuer un exercice aérobie. (voir fig 2, méthode Karvonen).

Figure 2 : Méthode Karvonen vs FC max

Ainsi, pour comparer le travail de 2 athlètes, on compare les pourcentages de la FC de réserve. On estime qu’il faut s’entraîner à un minimum de 60% de la FC de réserve pour avoir un effet d’entraînement, ce qui définirait le seuil aérobie ou seuil d’adaptation ventilatoire (ce seuil se situe généralement entre 55 et 70% de la VO2max pour des athlètes entraînés). Sous ce seuil, on est en mode récupération, ou début d’échauffement. Au delà de ce seuil, et jusqu’à environ 85% de la FC réserve, le travail se fait à des intensités modérées à intenses. Le 85% définit le seuil anaérobie théorique chez bon nombre d’athlètes, mais ce seuil varie selon la discipline et le niveau de l’athlète dans la discipline. Un athlète non-entraîné rencontrera ce seuil entre 30 et 50% de son VO2max !!

Physiologiquement, ce seuil, appelé également seuil d’inadaptation ventilatoire, correspond à une inadéquation entre la production et l’élimination de l’acide lactique impliquant une production d’ions H+ s’accumulant dans le sang (acidification musculaire). Au delà de ce seuil, on se rapproche des intensités de la VO2max faisant tourner la machinerie oxydative à plein régime (voir fig 3)

Les 3 disciplines du triathlon sont continues et se basent donc sur les mêmes principes bioénergétiques. Jusqu’au premier seuil, la part des lipides dans la fourniture énergétique est importante, puis cette part va diminuer au profit des glucides dont la contribution est totale (100%) au deuxième seuil. A partir de là, le temps vous est compté car les réserves en sucres ne sont pas inépuisables et l’acidose musculaire est un facteur limitant. Il est important de connaître ces seuils pour paramétrer vos entraînements. Et là, contrairement à la FC max, c’est un test de laboratoire qui vous permettra de les définir avec une bonne précision. Toutefois, avec l’expérience, il est possible d’en avoir une bonne approche à l’entraînement en termes de vitesse et de fréquence cardiaque pour la nage et la course, et uniquement en termes de FC pour le vélo. Par exemple, en course à pied, un triathlète capable de réaliser 3 x 12mn, avec 3mn récupération courue, à la vitesse de 15 km/h (3 x 3 km) a un seuil anaérobie d’environ 15 km/h. Si ce même coureur réalise 10 x 400m avec 1mn récupération courue, en 1mn20s, alors sa VMA est légèrement supérieure à 17 km/h, ce qu’il faudrait vérifier par un test d’effort. Ainsi, son seuil 2 est de 15/17 x 100 = 88% de sa VMA ou de son VO2max. On peut estimer le seuil 1 à 60% de cette VMA, soit 10.2 km/h. Pour chaque limite (seuil 1, seuil 2, VMA ou VO2max), on regarde les fréquences cardiaques correspondantes.

Bien entendu, cela reste théorique car pour un même individu, ces repères évoluent au cours de la saison, l’entraînement ayant pour but de les déplacer vers la droite. Un entraîneur compétent est en mesure de définir vos seuils pour chaque discipline et de définir plusieurs zones de travail.

Figure 3 : les repères d’intensité à l’entraînement

En natation, vélo, course, les pourcentages de VO2max et de FC varient en fonction de l’expertise, du rapport poids/puissance, de la capacité corporelle à dissiper la chaleur, de la cinétique de VO2, de l’endurance (ou fraction de VO2max), du coût biomécanique de l’activité, de la technicité, des groupes musculaires mis en jeu … bref d’un ensemble de paramètres innés et acquis dont il faut tenir compte pour paramétrer ses charges de travail. Ensuite, s’il est facile de visualiser ses FC pendant l’effort en vélo et en course, c’est très difficile en natation, sauf en fin et en début de chaque fraction. Par contre, il est aisé de visualiser la courbe des FC selon les séances, les intensités d’efforts et les sensations, et d’en tirer tous les enseignements nécessaires. Attention à ne pas utiliser un cardiofréquencemètre classique dans l’eau ! Suunto propose dans un pack triathlon une ceinture memory-belt qui enregistre toutes les données sans passer par la montre, car l’envoi des données entre la ceinture et la montre est complexe dans l’eau.

Voilà, à la lumière de ces quelques notions physiologiques (FC repos, FC max, FC réserve, seuils), vous pouvez vous mettre à l’écoute de votre cœur et définir vos zones de travail dans les 3 disciplines afin d’optimiser la répartition de vos charges d’entraînement et progresser dans le plaisir.

Pascal Balducci

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